L’automne dernier, le CTIC a publié le rapport Cartographier les cheminements de carrière pour la main-d’œuvre francophone et bilingue de l’Ontario. Celui-ci se penche sur l’intérêt des employeurs envers la maîtrise du français et l’influence de celle-ci sur les parcours professionnels des personnes francophones et bilingues, et sur le cheminement des étudiants francophones et bilingues dans le système d’enseignement postsecondaire de l’Ontario. Le rapport met en évidence la forte demande de talents francophones dans l’ensemble du marché du travail de l’Ontario.
Dans le cadre de cette étude, le CTIC a commandé un sondage auprès d’étudiants francophones de l’Ontario et d’autres provinces principalement anglophones, ainsi qu’auprès des étudiants francophones du Québec, à des fins de comparaison. Le sondage avait pour but d’aider le CTIC à mieux comprendre les préférences des étudiants francophones de niveau postsecondaire en ce qui a trait aux programmes d’études postsecondaires, ainsi que leurs plans d’études postsecondaires et leurs ambitions professionnelles.
Dans cet article, le CTIC présente des données inédites tirées de l’enquête auprès des étudiants. Cet article, qui accompagne le rapport principal, offre une analyse comparative des préférences des étudiants francophones dans les provinces anglophones du Canada et au Québec.
Au total, 340 étudiants francophones de partout au pays ont répondu au sondage, soit 87 de l’Ontario, 167 du Québec, et 86 des autres provinces canadiennes. Le sondage s’est déroulé en janvier et février 2023.
Principaux constats
Le sondage met en évidence l’importance que les étudiants francophones accordent à leur identité francophone et l’importance d’avoir accès à des programmes d’enseignement supérieur en français. Le sondage montre également l’importance que les étudiants francophones accordent au fait de travailler pendant leurs études et d’améliorer leur aptitude à l’emploi grâce à des stages, à des programmes d’alternance travail-études et à d’autres programmes d’apprentissage intégrés au travail pendant leurs études. Enfin, le sondage présente les défis auxquels les étudiants de tout le Canada sont confrontés en matière d’accès au logement et de programmes d’études complémentaires, mais très bénéfiques, comme les programmes d’études à l’étranger.
Un article connexe rédigé par des chercheurs du CTIC sur l’utilisation des compétences en français pour améliorer les perspectives d’emploi au Canada anglophone est offert ici.
Langue, identité et préférences en matière de langue dans l’enseignement supérieur
Les étudiants francophones interrogés partout au Canada ont massivement rapporté l’importance du français dans leur identité.
L’importance de la langue française pour l’identité individuelle des répondants est plus prononcée dans les provinces anglophones. En Ontario, 84 % des répondants ont affirmé que la langue française compte pour beaucoup dans leur identité; dans toutes les autres provinces anglo-canadiennes, presque tous les répondants (99 %) ont rapporté la même chose. Au Québec francophone, 84 % des répondants ont rapporté que la langue française compte pour beaucoup dans leur identité (figure 1).
L’importance accordée à l’identité francophone a été rapportée comme étant un facteur dans le choix de poursuivre ou non des études dans un établissement francophone. Cette tendance était la plus marquée en Ontario, où la plupart des répondants (94 %) ont rapporté que leur identité francophone était un facteur important dans leur choix d’étudier dans un établissement francophone. Dans les autres provinces anglophones, 82 % des répondants ont rapporté que leur identité francophone constituait un facteur dans cette décision. Au Québec, 74 % des répondants ont rapporté que leur identité francophone était un facteur dans leur décision d’étudier dans un établissement francophone (figure 2).
En plus de l’importance qu’ils ont affirmé accorder au français et à leur identité francophone, les répondants de partout au Canada (90 %) ont aussi rapporté que leur aisance à apprendre en français était un facteur important dans le choix d’étudier dans un établissement francophone. Les réponses varient de 89 % en Ontario à 91 % dans les autres provinces anglophones et à 90 % au Québec (figure 3).
Préférences quant à la taille de l’établissement et des classes
Dans l’ensemble, les répondants de partout au pays ont rapporté préférer les petits établissements universitaires ou collégiaux. La plupart des répondants de l’Ontario (85 %) et des autres provinces anglophones (89 %) ont rapporté une préférence marquée pour les établissements comptant 10 000 étudiants ou moins. Cependant, les répondants francophones du Québec étaient plus ouverts aux études dans des établissements comptant plus de 10 000 étudiants (21 %) et moins enclins (14 %) à étudier dans de petits établissements comptant 1 000 étudiants ou moins (figure 4).
Outre leur préférence marquée pour les établissements de petite et moyenne taille, les répondants de la plupart des provinces ont également accordé de l’importance au nombre d’étudiants par classe. Les étudiants francophones du Québec étaient partagés entre ceux qui rapportaient que les classes de petite taille étaient importantes (53 %) et ceux qui les considéraient comme un facteur sans importance (43 %) (figure 5).
Déménager pour les études postsecondaires
S’éloigner de sa famille et de ses amis peut être déchirant pour tout étudiant qui envisage de poursuivre des études postsecondaires, ainsi que pour les nouveaux diplômés à la recherche de possibilités d’emploi. Cependant, comme il existe peu d’établissements postsecondaires francophones à l’extérieur du Québec, les étudiants francophones du Canada anglophone doivent souvent faire ce choix pour avoir accès à des programmes d’enseignement postsecondaire en français.
En ce qui concerne la volonté de déménager au sein de la province pour poursuivre des études postsecondaires, environ la moitié des répondants du Québec (53 %) se disaient prêts à le faire. En Ontario, seulement 29 % des répondants étaient prêts à déménager ailleurs en province, tandis que 43 % des répondants des autres provinces anglophones ont rapporté être prêts à déménager dans leur province pour poursuivre des études postsecondaires (figure 6).
Pour ce qui est de déménager au Québec afin de poursuivre des études postsecondaires en français, peu de Franco-Ontariens (35 %) ont rapporté être prêts à déménager au Québec — la majorité préférant demeurer en Ontario. De même, 58 % des répondants du Québec n’étaient pas disposés à déménager en Ontario pour poursuivre leurs études postsecondaires. Cependant, les étudiants francophones des autres provinces canadiennes étaient plus ouverts à poursuivre leurs études au Québec, 43 % des répondants rapportant être prêts à y déménager (figure 7).
Logement étudiant
Le Canada est actuellement confronté à une grave pénurie de logements. Les étudiants canadiens doivent composer avec des loyers de plus en plus inabordables et la difficulté de trouver un logement dans certaines communautés (lien en anglais). Chez les répondants de l’Ontario, 54 % ont rapporté qu’ils prévoyaient de vivre chez leurs parents pendant leurs études postsecondaires, 14 % sur le campus en résidence ou en appartement, et 24 % dans un logement à l’extérieur du campus. Le nombre de répondants prévoyant rester chez leurs parents pendant la durée de leurs études était beaucoup plus élevé en Ontario que dans les autres provinces anglophones (28 %) et au Québec (33 %) (figure 8).
La propension rapportée des étudiants de l’Ontario à vivre chez leurs parents pourrait être fondée sur le prix relativement élevé des logements dans la province. En juillet 2024, l’Ontario se situait au 2e rang — après la Colombie-Britannique — des provinces comptant le loyer moyen le plus élevé, avec une moyenne de 2 382 $/mois, selon les données de Rentals.ca. En comparaison, le Québec affiche un loyer moyen de 1 979 $/mois, l’Atlantique un loyer moyen de 2 145 $/mois et l’Alberta un loyer moyen de 1 798 $/mois.
Cependant, le fait de rester à la maison pour économiser de l’argent sur le loyer peut également réduire le choix des programmes d’études, en particulier pour les francophones qui souhaitent poursuivre leurs études postsecondaires en français.
Dans de nombreux cas, le programme choisi par un étudiant n’est pas offert en français à proximité de son domicile. Dans ce cas, l’étudiant peut être contraint de choisir entre déménager dans une autre région et risquer de payer un loyer extrêmement élevé, ou rester chez lui et renoncer à suivre le programme postsecondaire de son choix en français.
Une telle décision peut s’avérer particulièrement difficile, voire irréaliste, pour les étudiants francophones issus de familles à faible revenu ou de communautés marginalisées, qui peuvent ne pas avoir les moyens de déménager hors de la région ou de la province pour suivre le programme postsecondaire de leur choix en français.
Études à l’étranger
Les études à l’étranger et l’éducation internationale enrichissent les apprentissages des étudiants, améliorent leur aptitude à l’emploi et leurs perspectives d’emploi après le diplôme, et peuvent même modifier leurs choix de carrière et leur trajectoire de vie (liens en anglais).
Cependant, le Sondage sur l’apprentissage à l’étranger de 2016 du Bureau canadien de l’éducation internationale note que seulement 2,3 % des étudiants universitaires canadiens et 1 % des étudiants au niveau collégial poursuivent des études à l’étranger, même si 86 % d’entre eux ont rapporté être intéressés par cette possibilité. Il existe donc un écart notable entre l’intérêt déclaré des étudiants canadiens pour les études à l’étranger et les étudiants qui poursuivent des études hors du pays.
En Ontario, une majorité notable de répondants (63 %) accordaient de l’importance aux possibilités d’études à l’étranger au moment de choisir un établissement postsecondaire. Au Québec, les étudiants francophones étaient partagés quant à l’importance accordée aux études à l’étranger, 48 % y accordant de l’importance et 47 % n’y accordant pas d’importance. Inversement, dans les autres provinces anglophones, la majorité des répondants (77 %) accordaient de l’importance aux études à l’étranger dans le cadre de leurs études postsecondaires (figure 9).
En ce qui concerne les possibilités de carrière à l’étranger après l’obtention du diplôme, on observe des écarts considérables entre les différentes régions dans la volonté de s’installer à l’extérieur du Canada. Seulement 39 % des répondants de l’Ontario et 29 % de ceux du Québec ont rapporté être prêts à déménager à l’étranger pour saisir une possibilité de carrière. Inversement, 69 % des répondants des autres provinces anglophones étaient prêts à déménager à l’étranger pour y faire carrière (figure 10).
Travailler tout en étudiant
La plupart des répondants à l’enquête ont rapporté qu’ils travaillaient actuellement à temps plein ou à temps partiel ou qu’ils avaient l’intention de le faire pendant leurs études postsecondaires. Seule une minorité de répondants (11 %) dans l’ensemble du Canada a déclaré ne pas travailler actuellement et ne pas avoir l’intention de le faire pendant leurs études. La plupart des répondants du Québec (84 %) et de l’Ontario (81 %) ont rapporté qu’ils travaillaient déjà ou qu’ils prévoyaient travailler pendant leurs études postsecondaires. La grande majorité des répondants (94 %) des autres provinces anglophones du Canada ont affirmé qu’ils travaillaient ou prévoyaient travailler pendant leurs études (figure 11).
L’augmentation du coût de la vie au Canada (lien en anglais) et les avantages professionnels d’avoir acquis de l’expérience pendant les études peuvent inciter les étudiants francophones du Canada à travailler au moins à temps partiel pendant leurs études postsecondaires.
Apprentissage intégré au travail : programmes d’alternance travail-études et stages
Les possibilités d’apprentissage intégré au travail (AIT), telles que les programmes d’alternance travail-études et les stages, sont de plus en plus courantes dans le paysage de l’enseignement supérieur au Canada. Une nouvelle étude du CTIC sur les programmes d’AIT montre que ces derniers sont des tremplins essentiels qui permettent aux étudiants d’entrer sur le marché du travail après avoir obtenu leur diplôme. De même, les programmes sur le campus, tels que les ateliers formels de développement de carrière et les programmes de mentorat (lien en anglais), peuvent aider les étudiants postsecondaires à explorer différents choix de carrière et à cibler les meilleurs parcours professionnels après l’obtention de leur diplôme. Les programmes d’AIT axés sur les emplois de l’économie numérique se sont également révélés économiquement bénéfiques pour les étudiants et les employeurs.
L’écrasante majorité des répondants à l’enquête comprenaient la valeur de l’accès aux programmes d’AIT durant leurs études postsecondaires, ce qui reflète les préoccupations des étudiants à l’égard de leur carrière et la valeur positive qu’ils accordent aux programmes postsecondaires d’AIT. Cette perception s’applique à la fois aux programmes d’alternance études-travail, aux stages, ainsi qu’aux ateliers de développement professionnel et aux programmes de mentorat sur les campus — bien que les répondants de partout au Canada étaient moins certains de l’importance des programmes de mentorat par rapport à d’autres types de soutien au développement professionnel postsecondaire (figures 12 à 15).
Perception de l’importance du français au travail
Les répondants francophones partout au Canada s’entendaient massivement (91 %) pour dire que leurs compétences en français étaient importantes pour leur future carrière. L’importance accordée aux compétences en français était particulièrement élevée en Ontario et dans les autres provinces anglophones (93 % dans les deux cas). Les répondants du Québec accordaient également une grande importance (90 %) à leurs compétences en français au travail (figure 16).
En effet, les recherches du CTIC sur la valeur des compétences en français au travail en Ontario confirment qu’il existe un écart salarial considérablement avantageux pour les travailleurs bilingues français-anglais dans certains secteurs d’activité.
Les données du sondage auprès des étudiants présentées dans cet article font état des préférences actuelles des étudiants postsecondaires francophones de l’Ontario, du Québec et d’ailleurs au Canada. Les étudiants de partout au pays qui ont participé au sondage ont souligné l’importance des perspectives d’emploi après les études supérieures et de l’accès à des services d’aide à l’emploi sur le campus, comme le programme d’AIT. Le sondage met également en évidence les avantages des programmes d’études à l’étranger dans l’expérience des études postsecondaires.
Par ailleurs, les données démontrent le défi des étudiants en matière d’accès au logement dans les régions où les loyers sont très élevés, et la décision souvent difficile que les étudiants francophones doivent prendre lorsqu’ils déménagent à l’extérieur de leur communauté ou de leur province pour avoir accès aux programmes d’enseignement postsecondaire de leur choix en français. Les données mettent également en évidence les différences régionales quant aux principales préoccupations liées à l’enseignement postsecondaire, telles que l’établissement et la taille des classes. Enfin, le sondage révèle l’importance que les étudiants accordent à leur identité francophone et leur préférence marquée pour la poursuite d’études en français.
Erik Henningsmoen est analyste de la recherche et des politiques au Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC). Erik a rédigé, avec Faun Rice, le rapport de septembre 2023 du CTIC Cartographier les cheminements de carrière pour la main-d’œuvre francophone et bilingue de l’Ontario : perspectives pour les établissements postsecondaires, les employeuses et employeurs et les étudiantes et étudiants.