Pour les employeurs du Canada anglais qui ont une clientèle francophone (comme il est courant de le voir en Ontario), le personnel bilingue peut s’avérer essentiel. Quant aux chercheurs d’emploi, les compétences en français peuvent non seulement présenter des avantages considérables, mais aussi agir comme facteur déterminant dans leur carrière. Le présent article traite des résultats de la récente étude du CTIC, Cartographier les cheminements de carrière pour la main-d’œuvre francophone et bilingue de l’Ontario, et présente des conseils importants pour les personnes bilingues nouvellement arrivées sur le marché du travail, ainsi que pour les employeurs qui cherchent à embaucher et à retenir du personnel bilingue.

Extrait de l’étude

Qui a participé à l’étude?

Nous avons demandé aux étudiants actuels et futurs d’établissements postsecondaires francophones du Canada pourquoi ils prévoyaient poursuivre des études supérieures en français, ce qu’ils étudiaient et comment ils envisageaient leur carrière. Nous avons également interrogé des professionnels francophones de l’Ontario au sujet de l’importance des compétences linguistiques dans leur carrière. Enfin, nous avons tenu compte de données sur les professions et la langue parlée afin de découvrir où la plupart des francophones finissaient par travailler.

Chaque source de données a apporté un éclairage différent, mais globalement, le message reste le même : les compétences en français peuvent jouer un rôle déterminant dans la carrière d’une personne, pour le meilleur ou pour le pire, et une réflexion approfondie sur la façon de mettre à profit ces compétences peut aider les nouveaux entrants sur le marché du travail à tirer parti de leur bilinguisme. Il convient de noter que les conclusions de cette étude sont surtout pertinentes pour l’Ontario, une province qui entretient des liens étroits avec les entreprises francophones tant au Québec qu’à l’étranger; qui présente une importante communauté franco-ontarienne; et qui compte la plupart des emplois de la fonction publique fédérale exigeant le bilinguisme.

Quel est l’impact du français sur les objectifs de carrière?

Les étudiants francophones actuels et futurs interrogés dans le cadre de notre étude ont dit s’intéresser à un grand nombre de domaines différents : la pédagogie, les sciences sociales, l’ingénierie, l’informatique et les affaires comptaient parmi les plus fréquemment mentionnés. Toutefois, lorsqu’on leur a demandé dans quel secteur ils « prévoyaient être employés » une fois leur diplôme obtenu, environ la moitié d’entre eux ont répondu le secteur public.

La fonction publique fédérale offre en effet un nombre important d’emplois pour les travailleurs bilingues en Ontario — en 2021, rien qu’à Ottawa, on comptait environ 67 000 postes bilingues au sein du gouvernement canadien (voir la page 26 du rapport). Pourtant, la vision — probablement étroite — qu’entretiennent les étudiants vis-à-vis des débouchés professionnels révèle peut-être une autre question : les étudiants présument-ils que le travail dans le secteur public est la seule voie envisageable?

Quel est l’impact du français dans un parcours professionnel?

Dans une carrière, peu de compétences ont plus de poids que les études et la formation. Or, dans notre récente étude, des professionnels ont déclaré que leur bilinguisme les avait amenés à occuper des fonctions qui ne relevaient pas de leurs compétences :  

« Je n’ai que deux ou trois ans d’expérience en recrutement. On me contacte très régulièrement, simplement parce que je parle français. J’ai des collègues qui ont à peu près le même nombre d’années d’expérience, mais qui ne parlent pas français, et on les contacte moins. »  

« Mon prochain poste sera-t-il uniquement anglophone? On gagne moins dans un poste unilingue que dans un poste bilingue. Mais il est plus difficile de changer de profil linguistique dans une carrière une fois qu’on affiche notre bilinguisme. Par exemple, dès que la mention “bilingue” apparaît au curriculum vitae, mais qu’on postule un poste anglophone, l’employeur demandera : ʺPourquoi ne pas continuer à travailler en français?ʺ »  

« Je pense qu’une personne bilingue peut obtenir un poste sans avoir l’expérience requise. Nous sommes prêts à embaucher quelqu’un qui montre un intérêt pour la finance ou qui est prêt à recevoir la formation adéquate, mais la langue française est la seule compétence requise qui ne peut pas s’enseigner au travail. »  

« J’ai postulé un poste [unilingue] intéressant, mais j’ai utilisé mon curriculum vitae qui comporte la mention “bilingue”. La personne [de l’entreprise] m’a demandé : ʺPourquoi postulez-vous ce poste et pas celui-là? C’est un poste bilingue qui offre un meilleur salaire…ʺ. Lorsque j’ai été embauchée, j’ai tout de suite dit que je n’avais pas d’expérience dans ce type de poste. Mais on m’a souvent répété : On peut vous former en comptabilité, mais on ne peut pas vous apprendre à parler françaisʺ. »

Quelles professions la plupart des francophones de l’Ontario occupent-ils?

Un peu plus de 4 % des Ontariens déclarent que le français est l’une de leurs langues maternelles. Les trois catégories de professions les plus courantes pour les personnes dont le français est la langue maternelle en Ontario sont les suivantes :

  • Professions liées aux ventes et aux services (70 645 travailleurs dont les langues maternelles comprennent le français)
  • Professions des affaires, de la finance et de l’administration (64 575)
  • Professions de l’éducation, du droit et des services sociaux, communautaires et gouvernementaux (57 345)

Lors de nos entretiens, des employeurs et des recruteurs dans ces domaines ont indiqué que les francophones étaient essentiels dans le service auprès de clientèles du Québec, des communautés franco-ontariennes et des entreprises francophones à l’international. Ils ont également mentionné le roulement élevé du personnel, les primes salariales et, en général, la grande demande pour le bilinguisme.

Bref, le bilinguisme est un atout que les employeurs recherchent et pour lequel ils paient souvent un salaire plus élevé dans des régions comme l’Ontario où ces compétences sont recherchées, mais où l’offre de travailleurs bilingues est insuffisante. Toutefois, les travailleurs, étudiants et nouveaux venus sur le marché du travail qui sont bilingues doivent savoir que cet atout peut, par inadvertance, façonner leur carrière, et ils doivent s’outiller pour tirer profit de leurs compétences linguistiques.

Les participants à cette étude ont prodigué des conseils importants aux personnes bilingues qui font leur entrée sur le marché du travail ainsi qu’aux employeurs qui cherchent à attirer et à retenir des travailleurs bilingues. 

 

 

Conseils à l’intention des nouveaux travailleurs bilingues de l’Ontario


 

Explorez vos options

  • La demande pour le personnel bilingue est présente tant dans le secteur privé que le secteur public, mais les compétences linguistiques ne doivent pas limiter les cheminements de carrière : le marché du travail dans son entièreté est ouvert à la main-d’œuvre bilingue et les entrants ont la possibilité de déterminer s’ils souhaitent occuper un poste dont les exigences relèvent de la langue ou, plutôt, d’autres compétences et expériences (ou les deux).
  • Les entrants peuvent explorer les données sur l’emploi qui concernent leur région. La plupart de ces données ne mentionnent pas les exigences relatives à la langue; toutefois, il est important de connaître le type de travailleurs recherchés sur le marché du travail, ainsi que les raisons motivant cette demande.

Développez votre réseau

  • Vous avez entendu dire qu’un seul secteur d’activité convient aux francophones? Vérifiez si c’est le cas en communiquant avec des professionnels bilingues de différents secteurs et professions pour en savoir plus sur leur expérience et leur demander conseil. Faites affaire avec plus d’une agence de placement ou de recrutement.
  • Les francophones qui n’ont pas d’expérience de travail au Canada gagnent à développer un réseau qui pourrait les aider à mettre un pied dans la porte. Les services d’aide à l’installation destinés aux francophones; les programmes d’apprentissage intégré au travail dans les établissements postsecondaires; et les organismes qui tissent des liens avec des organisations embauchant des travailleurs bilingues et francophones permettent d’avoir accès à des réseaux auxquels les nouveaux arrivants entrant sur le marché du travail peuvent faire appel. En Ontario, Coopération Intégration Canada, OCASI (en anglais) et La Passerelle-I.D.É. font partie de ces organismes.

Évaluez votre valeur dès le départ

  • Si une offre d’emploi mentionne spécifiquement que le français est un atout, ou si l’interviewer indique que certaines compétences linguistiques sont exigées, posez des questions sur l’importance du français dans le poste en question.
  • Avant l’entretien d’embauche, effectuez des recherches au sujet de l’entreprise (p. ex., sur LinkedIn) pour évaluer le nombre de francophones occupant des postes similaires à celui que vous postulez. Ou encore, lors de l’entretien, demandez si d’autres francophones au sein de l’entreprise occupent le poste que vous visez.
  • Avant l’entretien, renseignez-vous sur les services et le marché desservi par l’entreprise, notamment pour savoir si elle compte des clients francophones.

Respectez vos limites

  • En raison de la forte demande pour des travailleurs bilingues en Ontario, des spécialistes suggèrent aux locuteurs intermédiaires du français de surmonter leurs insécurités linguistiques et de perfectionner leur français au travail, en les mettant toutefois en garde :
  • « Nous avons tous des domaines dans lesquels nous n’excellons pas, et il est important de bien connaître nos compétences… parce que souvent, les employeurs embauchent quelqu’un et tout le travail lui revient si elle est la seule personne bilingue au sein de l’organisation. Autrement dit, vous devez connaître vos limites et vous assurer de vous joindre à une équipe qui vous offrira le soutien et les ressources dont vous aurez besoin. » — Professionnelle bilingue en milieu de carrière en Ontario.
  • Si les nouveaux travailleurs bilingues constatent que certaines des tâches qui leur sont attribuées ne cadrent pas dans leurs fonctions habituelles, comme de la traduction ou la gestion de clientèles francophones, ils doivent savoir quand fixer leurs limites.

Tirez parti de vos compétences

  • Environ 12 % des employeurs interrogés ayant besoin de personnel bilingue en Ontario ont déclaré avoir offert une prime au bilinguisme dès l’entrée en poste, et 4 % ont dit avoir offert un salaire de base plus élevé. Selon le secteur d’activité et les possibilités qui s’offrent aux candidats (p. ex., plus d’une offre d’emploi), ceux-ci pourraient être en mesure de négocier un salaire plus élevé en raison de leurs compétences linguistiques.
  • Si l’entreprise procède à des évaluations de rendement, évoquez d’entrée de jeu les responsabilités et tâches supplémentaires accomplies pendant la période visée.

 

Conseils aux employeurs pour embaucher et maintenir en poste des francophones en Ontario

 

Offrez du soutien et du perfectionnement

  • Investissez dans des outils particuliers à la langue française (p. ex., claviers en français, outils de révision linguistique).
  • Mettez de l’avant des politiques, des procédures et des documents bilingues (p. ex., signatures et titres de postes traduits, indications claires sur les tâches nécessitant le français).
  • Proposez des cours d’anglais aux professionnels francophones qui souhaitent améliorer leur anglais, et des cours de français aux anglophones qui souhaitent améliorer leur français.
  • Faites preuve de transparence quant aux parcours professionnels liés aux postes bilingues, et offrez le perfectionnement nécessaire.
  • Réfléchissez aux attentes entourant l’emploi et formulez-les clairement avant l’embauche (p. ex., anticipez les tâches supplémentaires qu’un nouvel employé pourrait être amené à accomplir parce qu’il parle français).
  • Ajoutez des tâches aux descriptions de poste officielles des employés et veillez à ce qu’elles correspondent au titre et à l’expérience du travailleur.
  • On demande souvent au personnel bilingue d’accomplir des tâches supplémentaires, comme de la traduction, contrairement à leurs homologues unilingues. Pour maintenir en poste les employés bilingues, il peut être utile de leur demander si certaines tâches attribuées sortent du cadre de leurs fonctions habituelles.

Rémunérez les compétences linguistiques

  • Certaines organisations en Ontario offrent au personnel francophone des salaires de base plus élevés et des primes au bilinguisme. S’il est possible de le faire, offrez des salaires concurrentiels pour recruter et maintenir en poste le personnel possédant des compétences rares et recherchées qui sont difficiles à acquérir en milieu de travail.

Investissez dans les partenariats et l’accueil

  • Développez des partenariats de longue durée avec des établissements postsecondaires francophones, des organismes francophones d’aide à l’installation des nouveaux arrivants et d’autres organismes communautaires. Les partenariats peuvent aider certaines organisations à embaucher et à soutenir de nouveaux talents bilingues. Ils peuvent aussi donner accès à un réseau de professionnels bilingues qui pourraient suggérer des sites d’affichage d’offres d’emploi permettant de trouver des chercheurs d’emploi bilingues.
  • Offrez du mentorat à des étudiants ou à des professionnels francophones en début de carrière par le biais de l’apprentissage intégré au travail (AIT); embauchez de nouveaux arrivants francophones au Canada; offrez un lieu de travail accueillant aux entrants sur le marché du travail et aux immigrants afin de leur offrir une première expérience professionnelle positive au Canada.
  • Proposez à des travailleurs francophones des postes qui correspondent à leurs compétences et à leurs objectifs de carrière. De nombreux professionnels francophones interrogés ont déclaré que certains employeurs leur avaient suggéré d’accepter un poste ne correspondant pas à leurs compétences afin de combler des besoins sur le plan linguistique.

Dans notre pays qui compte plus d’une langue officielle, le bilinguisme est une compétence recherchée, surtout en Ontario. Comprendre ce qu’implique une telle compétence peut aider tant les employeurs que les chercheurs d’emploi à se démarquer sur marché du travail.