Malgré une main-d’œuvre très instruite et une population en forte croissance, le Canada devra à long terme composer avec une pénurie aiguë de travailleurs et de compétences dans son économie numérique (liens en anglais).

Une façon de tirer parti de l’immense potentiel économique et de la main-d’œuvre florissante du Canada est d’offrir différentes formations et initiatives de perfectionnement ciblées afin de développer les compétences dont l’économie numérique nationale a désespérément besoin. Pour répondre aux besoins actuels et futurs en matière de talents, les employeurs canadiens recherchent de plus en plus l’équilibre entre les habiletés techniques spécifiques à l’emploi et les aptitudes socioémotionnelles transférables. Les microcertifications sont un moyen (lien en anglais) d’assurer l’enseignement et l’amélioration des compétences nécessaires.  

Les microcertifications constituent un modèle pédagogique relativement récent et leur définition peut varier; mais de façon générale, une microcertification dans l’économie numérique est un programme pédagogique de courte durée axé sur des aptitudes précises, qui aide les apprenants à développer un ensemble prédéfini de compétences pouvant être vérifiées.  

Contrairement à un parcours universitaire traditionnel, qui demande beaucoup plus de temps et donne accès à des connaissances générales et théoriques, les microcertifications permettent d’acquérir en peu de temps une compétence spécifique, pertinente à l’emploi et démontrable.  

Publié en mars 2024, le rapport du CTIC Miser sur la main-d’œuvre canadienne décrit un cadre constitué de cinq éléments indispensables pour les microcertifications dans l’économie numérique au Canada : 1) lien avec les besoins du marché du travail, 2) preuve de maîtrise de la compétence, 3) processus de validation, 4) apprentissage pouvant être intégré à un portfolio et 5) souplesse de la prestation. Les microcertifications peuvent également être combinées ou servir de tremplin vers différents diplômes ou titres (p. ex., certificats, accréditations, désignations professionnelles).  

Voici sept caractéristiques essentielles des microcertifications que les prestataires (établissements d’enseignement supérieur, associations professionnelles, institut de formation privés, etc.) gagnent à mettre de l’avant dans la conception et la mise en œuvre de leurs programmes de microcertification.  

1. Apprentissage pratique axé sur les compétences

Lors de la conception et de la mise en œuvre de leurs programmes de microcertification, les prestataires doivent viser l’enseignement d’aptitudes concrètes afin de combler le fossé entre la théorie et la pratique. L’apprentissage axé sur les compétences permet de développer des aptitudes spécifiques directement liées à l’exercice d’un emploi. D’ailleurs, les microcertifications améliorent l’employabilité des apprenants, car elles les aident à acquérir une expérience pratique et des compétences applicables dans l’immédiat. En enseignant des aptitudes précises, les prestataires font de leurs microcertifications des outils de développement de la main-d’œuvre, offrant ainsi une valeur tangible aux apprenants et aux employeurs.

Afin de s’assurer que les compétences enseignées répondent aux besoins actuels du marché du travail, les prestataires doivent faire équipe avec l’industrie pour concevoir leurs programmes et maintenir cette collaboration pendant toute la durée de vie d’une microcertification. Cette harmonisation à la réalité de l’industrie profite non seulement aux apprenants, car elle les prépare à l’emploi, mais elle répond également aux attentes des employeurs qui cherchent des candidats détenant des aptitudes éprouvées.

2. Évaluations fondées sur des projets

Il va sans dire que la maîtrise de compétences doit être évaluée dans le cadre de projets concrets. La réussite de telles évaluations indique que l’apprenant a saisi l’aspect théorique et pratique d’un concept, et peut donc accomplir des tâches précises. Pour évaluer les apprenants, les prestataires de microcertification doivent proposer des projets intégrateurs de fin d’études demandant des aptitudes professionnelles qui répondent aux besoins spécifiques du marché du travail. De telles évaluations garantissent la pertinence et l’utilité des compétences acquises dans le cadre d’une microcertification, en plus de donner l’occasion aux apprenants de bâtir un portfolio de travaux à montrer aux employeurs potentiels.  

3. Collaboration avec l’industrie  

L’implication de l’industrie dans l’élaboration et la prestation des microcertifications est essentielle pour que les cours répondent aux besoins actuels du marché du travail. Une collaboration directe avec les employeurs est non seulement nécessaire pour concevoir de nouvelles microcertifications, mais devrait également perdurer tout au long du cycle de vie d’une microcertification. Une des stratégies qui permet de maintenir une collaboration directe avec l’industrie est la création d’organes de gouvernance, tels que des conseils consultatifs sectoriels.  

Cependant, un conseil consultatif sectoriel se penchant sur des programmes de microcertification ne doit pas être mis sur pied pour la forme seulement : il doit donner lieu à un dialogue engagé et continu entre les prestataires et les parties prenantes de l’industrie concernée. D’un côté, les réunions du conseil doivent revêtir un niveau d’importance élevé aux yeux de leurs membres. De l’autre côté, les prestataires de microcertifications ont l’obligation d’examiner attentivement les contributions, idées et rétroactions du conseil. Si les recommandations d’une partie prenante ou d’un comité sectoriel ne sont pas adoptées, les prestataires doivent justifier leur décision de façon claire et concrète. En outre, les membres du conseil consultatif sectoriel sont encouragés à s’engager à long terme.  

4. Services d’aide à l’emploi

Pour créer un lien plus fort avec le marché du travail, une des solutions est d’intégrer à la microcertification des services d’aide à l’emploi. Il peut s’agir d’aide à la recherche d’emploi, d’un accompagnement professionnel ou d’une révision du curriculum vitæ. Lorsque les ressources le permettent, les prestataires pourraient même envisager d’offrir des programmes d’AIT (apprentissage intégré au travail), tels que des stages et des travaux pratiques, qui vont de pair avec les microcertifications.  

En plus d’aider les chercheurs d’emploi à décrocher un travail rémunéré à l’issue de leur microcertification, de tels services permettent aux personnes déjà employées de développer des tactiques pour mettre en valeur leurs compétences nouvellement acquises et faire progresser leur carrière. Les microcertifications qui affichent des résultats clairs en matière d’employabilité jouiront d’une crédibilité accrue auprès des employeurs et des apprenants.  

Aide à l’emploi et soutiens professionnels devraient faire partie des principaux services offerts par les prestataires de microcertifications. Si les petits prestataires aux ressources limitées ont du mal à offrir un tel soutien aux apprenants, ils peuvent s’associer à des organisations qui proposent les programmes et services nécessaires. Dans le cas de prestataires plus importants, tels que les collèges et les universités, leur équipe d’orientation professionnelle peut offrir des services sur mesure aux apprenants de la microcertification.  

5. Critères de performance axés sur l’emploi  

Lorsque les prestataires de microcertifications élaborent les critères de performance de leurs programmes, il est impératif qu’ils mettent l’accent sur l’employabilité de l’apprenant et sur les résultats professionnels obtenus après le programme. D’autres mesures du rendement des programmes, notamment la stabilité financière et les inscriptions, sont également importantes, mais les résultats professionnels de l’apprenant priment.  

Bien qu’il soit notoirement difficile de mesurer les résultats professionnels des diplômés, la portée réduite des microcertifications axées sur des compétences et des secteurs spécifiques simplifie la définition de la réussite comparativement à, par exemple, un programme universitaire.  

Si une microcertification génère des recettes et bénéficie d’un nombre d’inscriptions élevé à long terme, mais qu’elle n’aide pas les apprenants à trouver un emploi pertinent ou à progresser dans leur carrière, elle ne peut pas être considérée comme efficace. En fait, les microcertifications qui n’ont pas de retombées positives sur la carrière des apprenants, même si elles sont très populaires, pourraient être vues comme un produit bassement mercantile.  

6. Conception inclusive

Des principes d’inclusivité assurent une conception fondée sur les besoins des apprenants et des employeurs. Un enseignement de haute qualité peut contribuer à redorer le blason des microcertifications, que certains perçoivent comme un attrape-nigaud. Les microcertifications de qualité sont inclusives, ciblent un public issu de la diversité et non seulement les étudiants et les jeunes, mais aussi les diplômés, les professionnels et les nouveaux arrivants au Canada qui cherchent à se perfectionner (lien en anglais) ainsi qu’à faire reconnaître leurs aptitudes et titres de compétences.  

Des microcertifications courtes et flexibles peuvent répondre aux besoins d’un large éventail d’apprenants et d’employeurs. En outre, les microcertifications qui s’inscrivent dans des programmes d’éducation subventionnés par l’État, plutôt que de suivre le principe d’utilisateur payeur, contribuent à améliorer l’accessibilité en priorisant l’inclusivité.  

Afin de rendre plus inclusive la conception des programmes, les prestataires peuvent également offrir la possibilité de structurer ou de combiner leurs programmes de microcertifications avec d’autres titres académiques ou professionnels (p. ex., certificats, diplômes, accréditations ou désignations professionnelles). De cette manière, les microcertifications peuvent servir de tremplin vers des études supérieures. Cette approche aide les apprenants ayant des parcours pédagogiques plus variés à démontrer aux employeurs potentiels leurs connaissances et leurs compétences, en plus de les mettre en contexte.  

7 : Promotion destinée aux apprenants et aux employeurs

Traditionnellement, la promotion des microcertifications était entièrement dirigée vers les apprenants potentiels. Pourtant, cette approche omet l’un des principaux acteurs des programmes de microcertification de l’économie numérique : les employeurs qui embaucheront des apprenants ayant réussi leur microcertification. Après tout, la valeur fondamentale des microcertifications de l’économie numérique réside dans les compétences pratiques et professionnelles qu’elles permettent d’acquérir.

Les prestataires peuvent promouvoir auprès des employeurs les microcertifications pertinentes et communiquer régulièrement avec eux pour s’assurer que les programmes répondent aux besoins actuels de l’industrie. Les prestataires gagnent à informer les employeurs lorsque de nouvelles cohortes d’apprenants sont diplômées des programmes de microcertification qui les intéressent. Dans l’idéal, les employeurs qui ont des postes à pourvoir devraient retenir les candidats titulaires de microcertifications pertinentes dans l’économie numérique.  

Conclusion

Face à une économie canadienne en perte de vitesse qui souffre d’une pénurie continue de compétences et de main-d’œuvre, développer le capital humain en créant des possibilités de perfectionnement et de réorientation peut grandement améliorer la situation actuelle du Canada. Dans l’économie numérique, les microcertifications sont une solution d’amélioration des compétences et de développement des talents prenant la forme d’une formation ciblée, axée sur les compétences et de courte durée. Ces caractéristiques rendent les microcertifications idéales pour les chercheurs d’emploi et les travailleurs qui désirent actualiser leurs compétences pour participer pleinement à l’économie numérique croissante du Canada. Le récent rapport du CTIC, intitulé Miser sur la main-d’œuvre canadienne, traite de ces caractéristiques plus en détail.  

Les prestataires de microcertifications (établissements d’enseignement supérieur, associations professionnelles, instituts de formation privés, etc.) gagnent à rassembler les sept caractéristiques listées précédemment afin de concevoir et offrir des microcertifications utiles pour les employeurs et efficaces pour les apprenants.  

 

Heather McGeer et Erik Henningsmoen sont analystes de la recherche et des politiques au Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC). Ils sont les auteurs du rapport du CTIC de mars 2024, intitulé Miser sur la main-d’œuvre canadienne : microcertifications dans l’économie numérique.