Dans ce billet de blogue, Justin Ratcliffe, Todd Legere et Mairead Matthews du CTIC explorent la position du Canada dans la transition mondiale vers l’énergie propre. Il aborde le rôle du Canada sur les marchés de l’énergie, les récents partenariats énergétiques entre le Canada et la Corée du Sud et l’Allemagne, et l’impact de la stratégie des États-Unis en matière de véhicules électriques sur l’industrie des minéraux critiques du Canada.
Le marché mondial de l’énergie est en pleine mutation, ce qui donne au Canada la possibilité d’examiner son rôle en tant que fournisseur d’énergie et de matériaux pour la transition vers l’énergie verte. L’abondance des ressources naturelles du Canada en fait l’un des rares pays à produire plus d’énergie que ses besoins. En 2019, l’énergie représentait 10,2 % du PIB du Canada, 23 % des exportations totales de biens du Canada et 23 % des investissements directs étrangers (IDÉ) entrants du Canada. En 2020, le Canada était le sixième plus grand producteur d’énergie au monde, exportant 44 % de sa production nationale totale d’énergie vers 141 pays. Sans aucun doute, l’énergie est un élément central de l’économie et de la prospérité du Canada.
L’industrie énergétique canadienne étant fortement dominée par les combustibles fossiles, son succès continu est de plus en plus mis en péril dans un avenir marqué par la contrainte carbone. À l’échelle mondiale, le Canada est le quatrième plus grand producteur de pétrole, le cinquième plus grand producteur de gaz naturel et le septième plus grand exportateur de charbon. De plus, environ 90 % des exportations énergétiques du Canada sont exportées vers les États-Unis, principalement sous forme de combustibles fossiles.
Dans le monde entier, les économies avancées ont un besoin urgent de diversifier leur production d’énergie pour atteindre les objectifs climatiques et répondre à la demande future d’énergie propre. Cependant, la production canadienne de pétrole devrait augmenter au cours des 10 prochaines années, au fur et à mesure que de nouvelles alternatives d’énergie renouvelable et verte seront déployées. Pour réussir cette transition, le Canada devra tirer parti de ses forces dans les industries énergétiques existantes pour adopter des carburants plus propres comme l’hydrogène, les biocarburants avancés, le gaz naturel renouvelable, le carburant aviation durable et les carburants synthétiques. Actuellement, ces carburants de remplacement représentent un très faible pourcentage de la production énergétique canadienne. En 2020, les carburants propres représenteront moins de 3 % de la production énergétique du Canada et un pourcentage encore plus faible des exportations d’énergie.
À ces fins, le Canada est engagé dans un nombre croissant de partenariats internationaux axés sur la science, la technologie et l’innovation en matière d’énergie. En août, par exemple, le Canada a annoncé la création d’une nouvelle Alliance Canada-Allemagne pour l’hydrogène qui pourrait aider le Canada à faire une entrée précoce sur le marché mondial de l’hydrogène. L’accord a été signé à Stephenville, Terre-Neuve-et-Labrador, qui est considéré par le secteur privé comme l’endroit idéal pour développer une grande usine d’hydrogène. L’usine utilisera l’énergie éolienne pour produire de l’hydrogène, et éventuellement son dérivé l’ammoniac, qui sera exporté vers l’Europe via un corridor d’approvisionnement transatlantique.
Le projet devrait générer 300 emplois directs liés à l’exploitation et 3 500 emplois indirects, en plus de ceux nécessaires à la construction de l’usine. Stephenville et les communautés environnantes auront également accès à un fonds de dynamisme communautaire de 10 millions de dollars, financé par le promoteur, à dépenser dans des projets communautaires. En outre, World Energy GH2 a signé deux protocoles d’accord avec la Première Nation Qalipu et la ville de Stephenville pour offrir des possibilités de formation à la main-d’œuvre locale et soutenir l’adoption de l’énergie verte.
L’hydrogène est un combustible de plus en plus attrayant étant donné que le prix des importations de gaz naturel a plus que quadruplé en Europe au cours des trois dernières années. L’hydrogène canadien est une alternative propre au gaz naturel, ce qui en fait une source d’énergie intéressante en Allemagne, la plus grande économie nationale d’Europe. D’ici 2030, l’Allemagne prévoit que sa demande d’hydrogène atteindra 90 à 100 térawattheures. Le Canada vise à commencer à exporter de l’hydrogène d’ici 2025.
Le secteur de l’énergie profondément enraciné au Canada a contribué à produire une solide réserve de talents dans le domaine de l’énergie. L’Alliance Canada-Allemagne offre au Canada la possibilité de tirer parti de ces talents dans des rôles liés à l’énergie propre et de s’assurer une place sur les marchés de l’hydrogène. Les provinces exportatrices d’énergie, comme l’Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador, possèdent une mine de talents ayant des compétences en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques (STIM) qui peuvent aider à remplir les rôles émergents dans le domaine de l’énergie.
Au-delà des carburants propres, la demande d’intrants énergétiques propres augmente également. Les pays du monde entier redoublent d’efforts pour sourcer et fournir les minéraux critiques à la production d’énergie propre. Le Canada dispose d’une vaste réserve de minéraux critiques utilisés pour fabriquer des panneaux solaires, des éoliennes, des batteries et d’autres technologies d’énergie verte. La richesse du Canada en gisements de minéraux critiques peut l’aider à devenir un fournisseur de premier plan des intrants et de la technologie nécessaires à un avenir à faible émission de carbone.
En septembre 2022, le Canada et la Corée du Sud ont établi un partenariat stratégique global pour promouvoir le commerce et l’investissement, la sécurité énergétique, les sources d’énergie durables et les minéraux critiques. Au cours des prochains mois, les deux gouvernements travailleront ensemble pour renouveler les partenariats entre les organismes de recherche nationaux du Canada et de la Corée du Sud, et assurer des positions concurrentielles dans les chaînes d’approvisionnement mondiales des minéraux critiques, des batteries et des véhicules électriques.
La loi étasunienne sur la réduction de l’inflation, adoptée en août 2022, est une autre possibilité pour le Canada de fournir des minéraux critiques à l’étranger. Cette loi modifie les critères d’admissibilité aux remises sur les véhicules électriques (VÉ) étasuniens. En plus d’exiger que l’assemblage final ait lieu en Amérique du Nord, après 2023, seuls les véhicules dont les minéraux critiques et autres composants de batterie proviennent des États-Unis ou du bloc commercial de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) seront admissibles aux remises. Au début, 40 % des minéraux critiques et 50 % des composants de batterie devront provenir du bloc commercial ACEUM et des accords de libre-échange. L’exigence de sourçage augmentera chaque année pour atteindre finalement 80 % pour les deux d’ici 2027.
On prévoit que la demande de batteries augmentera le plus dans le secteur des transports à mesure que les VÉ seront plus largement adoptés. Selon un récent rapport de Clean Energy Canada, la chaîne d’approvisionnement des batteries de VÉ au Canada pourrait soutenir jusqu’à 250 000 emplois d’ici 2030 et ajouter 48 milliards de dollars à l’économie canadienne chaque année.
La transition énergétique mondiale offre au Canada une possibilité unique de diversifier ses exportations d’énergie. Des relations commerciales comme celles que le Canada a établies avec la Corée du Sud, l’Allemagne et les États-Unis peuvent contribuer à réduire l’incertitude, à améliorer les possibilités de financement et à inciter les entreprises à explorer de nouveaux marchés. À l’avenir, il sera important pour le Canada de comprendre où se situent ses avantages comparatifs et de continuer à développer des partenariats dans les marchés énergétiques nouveaux et existants.
Alors que l’industrie canadienne surveille l’évolution de ces politiques énergétiques et commerciales, il serait utile de disposer d’une meilleure analyse de base des capacités canadiennes. L’accès à des données et à des informations opportunes et pertinentes est nécessaire pour soutenir les organisations et les entreprises qui travaillent dans cet espace. Il est important de comprendre où notre industrie détient un avantage comparatif et de focaliser les efforts sur les domaines où l’industrie canadienne peut être dynamique. Une appréciation sobre des sous-secteurs énergétiques dans lesquels le Canada peut être compétitif de façon réaliste contribuera grandement à soutenir l’entrée des entreprises nouvelles et existantes dans les industries de l’énergie verte.
Traduction de l’anglais : Shafick Osman.