La Banque du Canada a récemment sollicité la rétroaction du public sur un futur dollar canadien numérique. Cette courte enquête visait à recueillir le point de vue des Canadiens sur des sujets liés aux monnaies numériques, notamment l’intérêt du public pour leur utilisation, les préoccupations en matière de sécurité et de protection de la vie privée, la possibilité de les utiliser sans connexion Internet, ainsi que d’autres caractéristiques souhaitées. La Banque du Canada utilisera cette rétroaction pour éclairer les décisions futures concernant un dollar canadien numérique. Vous ne savez pas ce qu’est un « dollar canadien numérique », ni quels en sont les avantages ou les risques? Cet article présente le concept de dollar canadien numérique et expose cinq éléments que vous devriez savoir sur les monnaies numériques.
Que sont les monnaies numériques?
Le dollar canadien numérique serait une monnaie numérique de banque centrale (MNBC). Les MNBC sont une forme numérisée de monnaie nationale (en anglais) émise par une banque centrale. Bien que les pratiques exemplaires dans la conception d’une MNBC soient encore un sujet de discussion ouvert, en général, les MNBC sont considérées comme étant équivalentes à la monnaie nationale (c’est-à-dire l’argent liquide), mais elles sont plutôt stockées de manière numériquement accessible et sécurisée par la banque centrale. Bien que la technologie de la chaîne de blocs puisse être utilisée dans l’infrastructure technique d’une monnaie numérique, elle n’est pas nécessaire.
Un dollar canadien numérique pourrait modifier considérablement le paysage des paiements au Canada, notamment la façon dont les Canadiens effectuent des transactions financières au quotidien. La recherche sur les MNBC a aussi permis d’identifier les avantages et les risques possibles. Nous avons résumé ci-dessous cinq points essentiels à retenir de la recherche sur les MNBC.
1) Les Canadiens utilisent moins d’argent liquide; une MNBC offrirait au Canada une autre possibilité de paiement.
Les Canadiens utilisent plus souvent les modes de paiement numériques, comme le débit et le crédit, pour leurs achats, notamment à la suite de la pandémie de COVID-19. Paiements Canada note que les transactions en espèces au Canada sont en déclin depuis plusieurs années; les transactions en argent comptant ont diminué de 18 % au cours des cinq dernières années et cette tendance devrait se poursuivre. Moneris, une société canadienne de traitement des paiements, prévoit que d’ici 2030, les achats en argent comptant ne représenteront plus que 10 % de la valeur totale des transactions de monétaires au Canada. Les options de crédit, de débit et de paiement mobile sont devenues la norme pour les Canadiens.
2) L’émission d’une MNBC pourrait améliorer l’inclusion financière des Canadiens non bancarisés.
Selon la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine (en anglais), l’adoption de la MNBC pourrait aider les personnes qui dépendent actuellement de l’argent liquide pour leurs transactions. Au Canada, les personnes non bancarisées (celles qui n’ont pas de compte bancaire) représentent près de 6 % des résidents, soit 1,5 million de ménages (en anglais). Une monnaie numérique permettrait à ceux qui n’ont pas accès à une carte de débit ou de crédit d’effectuer des transactions sans argent liquide et en ligne, ce qui augmenterait leur inclusion financière.
3) L’adoption d’une MNBC pourrait aider les Canadiens à participer pleinement à l’avenir numérique du commerce de détail, en rendant les transactions plus rapides et plus sûres.
Les transactions de commerce de détail au Canada évoluent avec la montée en puissance du commerce électronique. En 2021, les ventes par commerce électronique représentaient 65 millions de dollars, soit 8,7 % de toutes les ventes au détail, et elles augmentent rapidement depuis 2017. De plus, une recherche récente menée par le CTIC explore la façon dont le secteur du commerce de détail au Canada passe au numérique et devient plus intelligent. L’enquête sectorielle du CTIC a révélé que de nombreux exploitants de commerces de détail s’attendent à ce que les magasins sans caissier, le magasinage sans contact et la diminution du nombre de magasins physiques se généralisent au cours des cinq à dix prochaines années.
4) La présence d’une MNBC peut contribuer à soutenir et à encourager l’innovation dans le domaine de la technologie financière.
Un dollar canadien numérique pourrait créer des retombées positives pour l’innovation dans le domaine de la technologie financière (fintech). Un livre blanc de 2018 examine comment cette technologie pourrait profiter aux services de règlement et les transformer pour des actifs tels que les titres ou les opérations de change. La Banque du Canada a également développé un partenariat avec le Creative Destruction Lab (en anglais), a aidé à cofonder le Blockchain Research Institute (en anglais) et a travaillé avec la Banque des règlements internationaux pour lancer un centre d’innovation à Toronto. Le fait que la banque centrale participe à l’espace d’innovation en technologie financière (fintech) aide le Canada à être concurrentiel dans le développement et l’institutionnalisation de nouvelles technologies financières.
5) Les MNBC présentent des risques inhérents, dont certains peuvent être résolus par des décisions de conception. Il existe de nombreuses considérations de conception dont les Canadiens devraient être conscients et au sujet desquelles ils devraient être prêts à avoir des conversations publiques.
Protection de la vie privée - Les transactions avec les MNBC pourraient être facilement enregistrées dans une base de données centralisée en raison des mécanismes de fonctionnement des pièces numériques. Si les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent s’en trouvent grandement facilitées, cela pourrait également porter atteinte à la vie privée et décourager l’adoption à grande échelle. La conception spécifique de la MNBC canadienne devra trouver un équilibre entre la sécurité et la protection de la vie privée.
Transactions hors ligne - La question se pose de savoir si la MNBC devrait être utilisable sans connexion Internet (en anglais). Cela permettrait aux Canadiens qui n’ont pas d’accès régulier à Internet de pouvoir tout de même utiliser un dollar canadien numérique dans leurs transactions quotidiennes. Par exemple, cette fonctionnalité aurait pu rendre moins perturbante la panne nationale du réseau de Rogers (en anglais), en juillet 2022. Les transactions hors ligne effectuées pendant une panne auraient pu être rapprochées automatiquement une fois la connectivité du réseau rétablie. Alors que le Canada met en ligne un plus grand nombre de ses systèmes critiques, un dollar canadien numérique pourrait être un outil important pour améliorer la résilience numérique du pays.
Monnaie programmable - La Banque du Canada doit également décider si, et dans quelle mesure, le dollar canadien numérique devrait être programmable. Les MNBC programmables (en anglais) pourraient permettrait à un gouvernement qui émet des transferts en espèces à l’aide d’une MNBC d’imposer des restrictions sur la manière dont ces paiements peuvent être dépensés ou l’endroit où ils peuvent l’être; par exemple, permettre que les paiements effectués dans le cadre d’un programme d’aide à l’achat de produits alimentaires ne soient dépensés que dans des épiceries. Les Canadiens devraient avoir leur mot à dire pour décider s’il s’agit là d’une fonctionnalité souhaitable.
Réflexions finales - Il est important de tenir compte de la perspective internationale.
La Banque du Canada mène des recherches sur les MNBC depuis 2017 et a collaboré avec la Banque d’Angleterre, la Banque du Japon, la Banque centrale européenne, la Réserve fédérale américaine, la Sveriges Riksbank (Suède), la Banque nationale suisse et la Banque des règlements internationaux à l’élaboration de concepts fondamentaux et de critères techniques pour le déploiement des MNBC (en anglais). Selon le système de suivi des monnaies numériques de banques centrales (en anglais) de l’Atlantic Council, 11 pays ont déployé des monnaies numériques tandis que 114 étudient actuellement leur utilisation. Parmi les pays du G7, seul le Japon pilote actuellement un projet de MNBC. Comme le Canada, les autres membres du G7 sont encore en train d’explorer la question et de développer des concepts.
La Banque du Canada a clairement indiqué qu’elle n’avait pas encore décidé si elle émettrait un dollar canadien numérique. Les avantages et les risques, ainsi que l’intérêt du public, continueront d’être au centre des discussions dans les mois et les années à venir.