«Quelqu’un peut-il me dire quels sont les quatre principaux ingrédients du sol? » demande Kayla, notre directrice de l’atelier, assise sur un seau de compost. Elle s’adresse à un auditoire composé de jardiniers communautaires de longue date et de résidents de Victoria novices en matière d’agriculture, réunis ici pour apprendre les secrets de la santé du sol (en anglais). Cet atelier communautaire de deux heures s’inscrit dans le cadre de l’initiative Growing in the City (en anglais), un exemple parmi d’autres de la manière dont la ville de Victoria promeut la sécurité alimentaire locale.

Au-delà de la sécurité alimentaire, de tels programmes permettent également de combler le fossé de plus en plus grand qui sépare les régions urbaines et rurales du Canada en matière de connaissances agricoles. Si l’agriculture urbaine gagne en popularité, la grande majorité de la production alimentaire canadienne a toujours lieu dans les zones rurales, loin des centres urbains. Alors que 82 % des Canadiens vivent en milieu urbain et 74 % dans de grands centres urbains, la plupart d’entre eux ne sont pas sensibilisés à l’agriculture dans leur vie de tous les jours.

Comme l’indique la récente étude du CTIC intitulée « Durabilité du secteur agroalimentaire canadien », cet écart de connaissances entre les zones urbaines et rurales menace la stabilité de l’offre de main-d’œuvre agricole au Canada et pourrait entraver la capacité du pays à produire des denrées alimentaires de manière plus durable.

L’étude a révélé que si les types de travailleurs dont l’agriculture a besoin sont de plus en plus diversifiés - y compris la demande de talents en sciences, technologie, ingénierie, mathématiques (STIM) et environnement - tous les travailleurs doivent avoir une compréhension de base de l’agriculture, ce que de nombreux travailleurs urbains n’ont pas. Les travailleurs ruraux, en revanche, sont souvent exposés à l’agriculture dès leur plus jeune âge et, de ce fait, développent naturellement des connaissances agricoles au cours de leur vie. Selon les personnes interrogées dans le cadre de l’étude, le fossé entre le Canada urbain et la production agricole limite également le nombre de Canadiens qui poursuivent une carrière dans l’agriculture : si vous n’êtes pas en contact avec les fermes ou la production alimentaire et que vous ne comprenez pas ce que c’est, vous n’envisagerez peut-être pas une carrière dans l’agriculture.

« Je ne suis pas sûre, mais l’un d’entre eux est-il de l’eau? » de répondre une fillette d’une dizaine d’années à la question posée par la directrice de l’atelier. Bien qu’il soit trop tôt pour le dire, peut-être que le fait d’en apprendre plus sur la santé des sols et la production alimentaire à ce jeune âge l’incitera à poursuivre une carrière dans la science des sols ou l’agronomie. C’est ce qu’espèrent des organismes comme Agriculture en classe Canada, un organisme de bienfaisance canadien qui s’associe à des pédagogues de tout le pays pour introduire l’agriculture dans les salles de classe de la maternelle à la 12e année.

Pour la ville de Victoria, il est clair que les connaissances agricoles peuvent également être acquises en dehors de la salle de classe. Au-delà de l’atelier auquel j’ai participé, le programme Growing in the City (en anglais) propose aux résidents de Victoria des formations gratuites ou peu coûteuses sur des sujets tels que la santé des arbres fruitiers, la gestion des sols, la lutte contre les ravageurs et les maladies, et l’agriculture verticale. Le programme de la ville donne également aux résidents de Victoria des semis d’aliments et du matériel de jardinage gratuits, distribue des subventions aux organisations communautaires qui soutiennent l’agriculture urbaine, enseigne aux promoteurs immobiliers et aux gestionnaires de bâtiments comment concevoir pour l’agriculture urbaine et, dans ses règlements, permet aux résidents de Victoria d’avoir des ruches et d’élever des poulets sur leur propriété.

Outre les programmes municipaux, la communauté florissante de l’agriculture urbaine de Victoria est soutenue par des organismes sans but lucratif tels que le Compost Education Centre (en anglais), qui offre aux résidents de Victoria des cours sur le compostage, le réacheminement des déchets et le jardinage écologique. Le soutien provient aussi des fermes urbaines telles que TOPSOIL (en anglais) et Mason Street Farm (en anglais), qui produisent des aliments urbains durables du point de vue de l’environnement et qui en font la sensibilisation auprès des résidents.

Le développement des connaissances agricoles dans les communautés urbaines peut aider à remédier à la pénurie de main-d’œuvre agroalimentaire au Canada en comblant l’écart entre les connaissances agricoles urbaines et rurales, en développant les connaissances du domaine agricole chez les travailleurs des STIM et de l’environnement, et en inspirant davantage de Canadiens à poursuivre une carrière dans l’agriculture. La ville de Victoria illustre clairement que pour atteindre cet objectif, tout le monde doit jouer un rôle, y compris les pédagogues de la maternelle à la 12e année, les organismes sans but lucratif et les organismes de bienfaisance, les administrations municipales et les exploitations agricoles urbaines locales.

Pour en apprendre davantage sur ces sujets et d’autres liés à la durabilité de l’agriculture et au marché du travail agroalimentaire au Canada, consultez le rapport récemment publié ici.