Comment les pays comme la Nouvelle-Zélande et le Canada procèdent-ils à l’évaluation des algorithmes utilisés par les organismes publics
La science des données et l’intelligence artificielle (IA) ont connu des progrès significatifs au cours des dix dernières années, mais il existe de nombreuses questions concernant les processus décisionnels fondés sur l’IA dans la fonction publique. La Nouvelle-Zélande met à l’essai un outil d’évaluation qui permet au gouvernement d’utiliser l’IA à des fins plus éthiques.
Le Canada, la Nouvelle-Zélande et plusieurs autres pays œuvrent pour une plus grande transparence et cohérence quant à la manière dont les gouvernements utilisent les algorithmes pour assister la prise de décisions ou prendre des décisions. Par exemple, le Canada et la Nouvelle-Zélande ont tous les deux adopté un processus semi-automatisé pour trier les demandes de visa et pour informer la prise de décision, prioriser les demandes ou attribuer une valeur de risque à celles-ci. Bien que la prise de décision semi-automatisée permette d’améliorer considérablement l’efficacité administrative, elle peut également avoir des conséquences imprévues lorsqu’elle a un impact direct sur des vies humaines. De ce fait, les deux pays expérimentent actuellement de nouveaux moyens d’évaluer et d’atténuer le risque que les algorithmes puissent poser, soit le Canada avec son nouvel outil d’Évaluation de l’incidence algorithmique, et la Nouvelle-Zélande avec une Charte des algorithmes munie d’une Matrice des risques.
Dans cette conversation, Dale Elvie et Jeanne McKnight, représentants de Statistics New Zealand (Nouvelle-Zélande), expliquent leur rôle dans l’élaboration de la Charte des algorithmes, les réactions qu’ils ont reçues en cours de route et leurs projets pour l’avenir. Tout au long de la conversation, l’équipe examine certains aspects communs entre la Nouvelle-Zélande et le Canada, comme l’engagement en faveur de la participation des autochtones, ainsi que des différences telles que la taille et la structure juridictionnelle.
Faun : Un grand merci à vous deux d’être venus aujourd’hui! Nous allons commencer par les introductions. Pouvez-vous commencer par vous présenter et expliquer votre rôle au sein de Statistics New Zealand?
Dale : Kia ora koutou, Je m’appelle Dale Elvy et je suis responsable de l’Équipe de la politique des systèmes à Statistics New Zealand. L’Équipe de la politique des systèmes est intégrée à la fonction de Responsable principal des données du gouvernement au sein de Statistics New Zealand, et nous avons une approche horizontale dans plusieurs départements et agences pour les aider à résoudre leurs problèmes de données, ainsi que les problèmes qui ont un impact par rapport à la perception du public sur la façon dont les données sont exploitées.
Jeanne : Tēnā koutou katoa. Je suis membre de l’équipe de Dale et je suis le Conseiller principal qui a contribué à l’élaboration de la Charte des algorithmes au cours de l’année dernière. À présent, je suis à la tête de la réflexion sur la façon dont nous mettons en œuvre la Charte des algorithmes. Je suis très heureux que nous puissions discuter avec vous aujourd’hui pour vous présenter notre travail, ce qu’il recouvre et ce que nous aimerions faire à l’avenir.
Faun : Aux lecteurs qui ne sont pas familiarisés avec l’idée d’une Charte des algorithmes, pourriez-vous nous faire part de votre brève définition du concept et de son utilité?
Dale : Oui, bien sûr. La Charte des algorithmes résulte de notre Rapport d’évaluation des algorithmes, qui a examiné quels algorithmes étaient utilisés à travers le gouvernement. La Charte est un engagement souscrit par les agences gouvernementales pour améliorer la cohérence, la transparence et la responsabilité en matière de l’utilisation des algorithmes. Pour y parvenir, elle s’appuie sur les domaines spécifiés dans la Charte, qui sont la transparence, le partenariat, la priorité donnée aux personnes, les données, la vie privée, l’éthique, les droits de l’homme et la surveillance. Nous l’avons lancée au mois de juillet de cette année, et il y a actuellement 26 signataires au sein du gouvernement ayant souscrit à l’engagement d’appliquer la Charte à leur travail à titre de norme de meilleure pratique. C’est un travail en cours de réalisation. Nous reconnaissons que la technologie évolue rapidement et nous savons qu’elle n’est pas nécessairement la solution parfaite aux défis auxquels nous sommes confrontés, mais nous la considérons comme une étape importante de notre parcours.
Figure 1 : Statistics New Zealand, Algorithm Assessment Report [Rapport d’évaluation des algorithmes], octobre 2018, p. 32.Faun : Pourriez-vous mettre le nombre de signataires en contexte pour nous? Quel est le nombre d’agences en Nouvelle-Zélande, et combien d’autres souhaitez-vous engager?
Dale : Oui, les 26 signataires représentent plus de la moitié de tous les ministères du gouvernement central de Nouvelle-Zélande. Et à ce jour, la liste comprend presque toutes nos grandes agences de données, autrement dit les agences qui utilisent beaucoup de données dans leur travail ou qui sont de grands consommateurs de données. Elle comprend aussi la plupart des organismes du secteur social qui sont en contact avec le public.
On espère que nos progrès avec ce groupe seront perceptibles, afin que d’autres personnes puissent constater comment ça fonctionne. Nous aimerions attirer davantage d’agences et leur faire signer. Nous sommes au courant que certaines agences sont toujours en train d’étudier ce que la Charte pourrait signifier pour elles, par exemple, les organismes d’application de la loi. Tout récemment, le service de police de Nouvelle-Zélande a signé la Charte, ce qui est bien entendu une avancée encourageante (la Nouvelle-Zélande n’a qu’un seul service de police national). J’espère que ce sera un bon exemple pour certains de nos autres organismes d’application de la loi qui sont en train de réfléchir à la possibilité de signer la Charte. Je crois que le fait qu’ils y réfléchissent signifie qu’ils envisagent sérieusement les implications, et nous sommes très encouragés par cela dans la mesure où cela signifie qu’ils réfléchissent vraiment à la manière dont ils pourraient transformer leur pratique plutôt que de signer quelque chose pour le plaisir de le signer.
Faun : Je suppose que l’élaboration de la Charte a été un peu longue. Avez-vous tous deux été impliqués dans la Charte depuis le début? Pouvez-vous nous parler un peu de son évolution au fil du temps et nous préciser les commentaires que vous avez sollicités et reçus?
Jeanne : La première étape a été de recevoir le soutien ministériel pour élaborer une Charte. Nous avons eu une réunion avec un groupe de ministres responsables des données et du numérique qui ont convenu que cette façon de travailler serait bénéfique pour le gouvernement et les citoyens de Nouvelle-Zélande.
Dale : Il nous a fallu un peu plus d’un an pour y parvenir. Pour ce faire, nous avons travaillé avec les agences, et ensuite nous avons élaboré un projet de charte, puis nous avons consulté le public pendant quelques mois en 2019. Il était ouvert aux commentaires du public pour connaître l’opinion des gens sur notre projet.
Les principaux commentaires que nous avons recueillis ont porté sur la nécessité de veiller à ce que les perspectives de Te Ao Māori (vision du monde des Māoris) soient effectivement intégrées dans la charte d’une manière qui convienne aux organismes gouvernementaux. Les principaux commentaires que nous avons recueillis ont porté sur la nécessité de veiller à ce que les perspectives de Te Ao Māori (vision du monde des Māoris) soient effectivement intégrées dans la charte d’une manière qui convienne aux organismes gouvernementaux. Nous avons également été interrogés sur le champ d’application. Initialement, nous avons essayé de définir des algorithmes d’une manière significative. Mais en réalité, je crois que les auteurs des commentaires ont constaté qu’une définition fixe limiterait le travail, ou ne fonctionnerait pas pour un certain groupe d’agences, et nous sommes évidemment conscients que la technologie évolue et change. Voilà pourquoi nous avons élaboré la Matrice des risques, dont nous parlerons un peu plus tard, je crois.
La Charte vise principalement à répondre au besoin d’une plus grande cohérence dans la manière dont les agences utilisent les analyses avancées comme les algorithmes. Le Rapport d’évaluation des algorithmes a révélé qu’il existe des îlots de bonnes pratiques et qu’il y a également des possibilités d’amélioration. Au sein du gouvernement, il y a naturellement une certaine tension concernant la manière dont nous nous assurons que cela répond à la consigne de cohérence, sans chercher à freiner l’innovation. Le plus important est de parvenir à un certain niveau de cohérence de base entre tous nos ministères et agences, car nous avons tendance à être relativement cloisonnés dans notre manière de faire les choses, raison pour laquelle nous avons conçu la Charte pour qu’elle soit compatible avec nos mécanismes et dispositions actuels en matière de responsabilité.
Ce sont finalement les agences qui souscrivent à cet engagement, bien qu’elles soient déjà responsables de bien d’autres manières devant le public, le parlement et nos divers régulateurs qui assurent un suivi.
Faun : Ces commentaires provenaient-ils également du secteur privé?
Dale : Oui, nous avons obtenu des commentaires de quelques grandes entreprises technologiques. Nous avons également eu des universitaires, des ONG, ainsi que des personnes ayant un intérêt général pour le sujet et la question. Il y a eu une bonne diversification des points de vue et des opinions.
Jeanne : Dans l’ensemble, il existe un soutien général pour ce travail et pour la mise en place d’une cohérence dans la manière dont le gouvernement utilise les algorithmes. Je pense que le contenu des soumissions décrit comment nous pouvons procéder. Aucun doute ne s’est posé quant à la pertinence de ce projet. Nous avons trouvé cela encourageant.
Faun : Comme vous le savez, le Canada a récemment publié une Directive sur la prise de décision automatisée et un Outil d’évaluation de l’incidence algorithmique. Avez-vous communiqué avec le Canada ou d’autres pays au cours du processus d’élaboration de votre charte? Si oui, quels types de leçons ont été partagés par la communauté internationale?
Dale : Nous avons consulté le bureau du dirigeant principal de l’information du Canada sur les différentes approches que nous adoptons pour tenter de parvenir à des résultats similaires. Nous avons également tenu des réunions bilatérales avec des pays comme l’Australie, ainsi qu’avec d’autres pays du réseau de Partenariat gouvernemental ouvert comme les Pays-Bas et la France, qui font face à des défis ou des actions similaires en vertu du cadre de Partenariat gouvernemental ouvert qu’ils cherchent à faire progresser. Nous sommes toujours intéressés par leurs projets. Beaucoup de personnes regardent autour d’elles, pour découvrir les solutions possibles. Je pense que la question posée par la plupart des juridictions est de savoir comment transformer les idées sur l’éthique des données en actions et en pratiques.
Jeanne : Je pense que le modèle canadien est vraiment intéressant. Je suppose que le problème est qu’il s’agit d’une technologie et d’un domaine en constante évolution, tout comme l’environnement culturel dans lequel une technologie est déployée. Par conséquent, je pense qu’il n’y aura pas de solution unique que l’on puisse proposer et appliquer uniformément dans tous les pays. Cependant, il était vraiment utile de pouvoir avoir ce genre d’interaction avec nos pairs à l’étranger. Dans le cadre de ce travail, je suppose que nous reconnaissons qu’il se développe et qu’il s’agit d’une véritable possibilité pour nous de participer à un dialogue mondial significatif.
Dale : Oui, je suis entièrement d’accord. Le travail du Partenariat du gouvernement ouvert est intéressant, car il concerne un grand nombre de juridictions internationales différentes en termes de taille. Et évidemment, en ce qui nous concerne et en ce qui concerne notre situation, nous n’avons pas affaire à un modèle fédéral décentralisé avec des états et des territoires; en tant que gouvernement central, nous sommes relativement agiles.
Faun : Auparavant, vous avez mentionné la Matrice des risques comme un moyen d’évaluer les algorithmes sans être obligé de les définir de manière étroite (ou de déterminer ceux qui pourraient avoir des impacts méritant d’être évalués). Pourriez-vous nous expliquer un peu plus en détail l’outil de la Matrice des risques et comment les signataires peuvent l’utiliser?
Dale : Nous sommes encore en train de travailler dessus, pour être honnête. Comme je l’ai mentionné précédemment, nous en sommes seulement à deux mois de travail environ, et nous sommes en train de déterminer quelles connaissances nous devrons partager avec les agences pour faciliter l’utilisation de l’outil de la Matrice des risques. Le rapport que j’ai mentionné plus tôt portait sur 33 algorithmes différents que les agences ont décrits comme étant significatifs en termes d’impact sur les personnes. Il s’agit donc de bonnes études de cas sur des algorithmes qui relèveraient probablement, selon la définition de l’agence, de la charte.
Jeanne : Le principe est que lorsqu’une agence souscrit à la charte, elle procède à une évaluation de tous ses algorithmes ou familles d’algorithmes en se servant de la Matrice des risques. Ensuite, en fonction de leur classement dans la Matrice des risques, ils appliquent les engagements appropriés. L’évaluation sera différente pour chacun, mais nous attendons que les agences suivent ce processus.
Faun : Vous avez mentionné plus tôt qu’un grand nombre des commentaires publics que vous avez recueillis exigeaient de veiller à ce que le point de vue de Te Ao Māori soit respectueusement pris en compte. La version finale de la charte stipule que la perspective de Te Ao Māori doit être intégrée dans le développement et l’utilisation d’algorithmes conformes aux principes du traité de Waitangi (pour les lecteurs peu familiarisés avec l’Amérique du Nord, Māori et les versions anglaises du traité fondateur d’Aotearoa de la Nouvelle-Zélande ont été signées en 1840). Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie?
Dale : C’est un parcours que le gouvernement de la Nouvelle-Zélande entreprend lui-même. Le principe de Te Ao Māori figure également dans notre nouvelle loi sur la fonction publique, qui définit des attentes pour tous les fonctionnaires. Le but est vraiment de s’assurer que vous transmettez la vision du monde de Te Ao Māori ou Māori aux concepts, aux connaissances, aux valeurs et aux perspectives. Vous intégrez au maximum Te Reo Māori, qui est la langue Maori, dans votre travail. Vous êtes respectueux et conscient de Tikanga Māori, qui concerne les pratiques et les conceptions culturelles. Et vous ne cessez de réfléchir au fonctionnement quotidien des principes en matière de partenariat. Vous pourrez le constater dans la charte à un certain degré. Nous avons également souligné d’autres problèmes complexes qui se posent dans le secteur, comme la souveraineté des données Māori ou, plus généralement, la souveraineté des données autochtones. La charte reconnaît également que certaines de ces choses sont au-delà de la portée d’un document comme celui-ci. Ils méritent toujours une attention particulière, mais ce n’est probablement pas encore le vecteur qui convient en ce moment.
Jeanne : Comme Dale l’a mentionné, nous sommes très encouragés à inclure Te Reo Māori, le langage Māori, dans notre travail. Ainsi, une chose que nous avons accomplie avec la charte est de publier également une version en langue Māori, et de fournir à toutes nos agences gouvernementales une version en langue anglaise et une version en langue Māori pour prouver que nous sommes totalement engagés à travailler de cette manière. Et nous espérons que nous partons du bon pied. Le traité de Waitangi est un engagement, qui, comme vous le savez, est un document constitutionnel pour la Nouvelle-Zélande, la population exige que nous agissions de cette manière. C’est quelque chose que nous avons compris très clairement grâce aux commentaires du public.
Faun : En ce qui concerne les commentaires de la charte sur la transparence et l’examen par les pairs, la charte propose « d’expliquer clairement comment les décisions sont guidées par des algorithmes ». Pouvez-vous nous dire si cela veut aussi dire que l’IA doit être « explicable » (en d’autres mots, est-il interdit d’utiliser des solutions « boîte noire » pour les applications gouvernementales)?
Dale : Selon nous, les gens devraient être en mesure de comprendre le rôle que jouent les données et les analyses — y compris les analyses avancées — dans la prise de décisions qui les concernent, qu’ils s’agissent spécifiquement sur les services ou, plus généralement, en ce qui concerne les priorités ou même de préoccupations environnementales. À notre avis, un ministère ou un organisme gouvernemental devrait absolument être capable d’expliquer cela sans avoir besoin de se plonger dans la complexité des données elles-mêmes ou dans la manière dont l’IA a interrogé les données pour en tirer un résultat.
De loin, en Nouvelle-Zélande, il n’y a guère de cas où une décision entièrement automatisée soit prise. Elle renseigne presque toujours le jugement d’un être humain. Cela étant dit, le rôle joué par les données dans ce domaine devrait être absolument transparent pour le public quand une décision importante est prise. Pour nous, c’est assez clair et ce n’est pas quelque chose de trop difficile à faire comprendre aux agences. Ça ne signifie pas nécessairement qu’il faut être capable d’expliquer les aspects techniques. Mais de notre point de vue, et la charte y fait un peu l’allusion, nous pensons que ce serait une bonne pratique pour les personnes travaillant au sein d’agences gouvernementales qui ont les compétences techniques et qui souhaitent également pouvoir se pencher sur certains détails.
Faun : Merci, et la charte contient également une recommandation très intéressante concernant l’examen régulier des algorithmes par les pairs pour repérer les conséquences non intentionnelles. Pouvez-vous nous expliquer comment vous prévoyez de la mettre en œuvre? Qui se chargera de l’évaluation par les pairs?
Dale : Nous envisageons de constituer un groupe d’experts auquel les agences pourraient avoir recours — des experts extérieurs au gouvernement, indépendants, dotés de l’expertise et des outils adéquats pour soutenir les examens tout au long du processus d’approvisionnement et plus tard. Évidemment, la clé réside dans l’application de l’algorithme au fil du temps pour repérer ces biais.
Il sera intéressant de suivre l’évolution de la situation, de jeter un regard en arrière et de voir les résultats obtenus par rapport à ce à quoi vous vous attendiez.
Faun : Vous avez déjà commencé à nous répondre, mais j’aimerais vous demander quel sera l’impact de la charte sur les marchés publics.
Dale : Dans le contexte néo-zélandais, nous avons découvert, au moyen du Rapport d’évaluation des algorithmes, que nous n’achetons pas vraiment beaucoup d’algorithmes prêts à l’emploi. Nous sommes vraiment trop petits et nos populations sont trop variées et spécifiques pour la plupart des algorithmes prêts à l’emploi, qui sont conçues en grande partie en Amérique du Nord et pour les populations nord-américaines. Nous avons tendance à acheter des solutions et à les adapter à notre propre contexte, en nous appuyant sur des décisions humaines. Ainsi, nous recherchons des agences qui vont appliquer la charte lors de ce processus de personnalisation.
Toutefois, le Rapport d’évaluation des algorithmes contient d’autres recommandations qui concernent en particulier les marchés publics, et nous y travaillons avec nos agences partenaires, le ministère de l’Intérieur et le responsable principal des affaires numériques du gouvernement.
Figure 3 : Statistics New Zealand, Algorithm Assessment Report [Rapport d’évaluation des algorithmes], octobre 2018, p. 34.Faun : À partir de la question des marchés publics, y a-t-il un intérêt à élargir quelque chose comme la charte des algorithmes au secteur privé en Nouvelle-Zélande, ou à instaurer un cadre réglementaire quelconque?
Dale : Nos discussions avec les ministres dans ce domaine ont porté sur l’idée que le service public doit tout d’abord remettre de l’ordre dans ses affaires et mettre au point ses algorithmes avant de pouvoir commencer à dicter au secteur privé comment faire son travail. Bien entendu, les questions sont beaucoup plus complexes quand on aborde la question de la vie privée, des connaissances exclusives et ce genre de choses.
Cependant, nous espérons que cette idée sera plus largement adoptée dans le contexte néo-zélandais. En revanche, votre dernière question révèle que nous avons encore la possibilité de faire des progrès. Plus de la moitié de nos principaux départements centraux sont concernés, mais il y a aussi beaucoup d’entités publiques et d’autres types d’organisations quasi gouvernementales qui pourraient également faire partie du secteur public, ainsi que les gouvernements locaux. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir au niveau du gouvernement avant de passer au secteur privé. Cependant, nous sommes déjà très encouragés par le fait d’entendre des organisations du secteur privé parler de la manière dont elles cherchent à aligner leur travail avec la charte, même si elles ne l’ont pas encore signée et qu’elles ne sont pas tenues de le faire pour le moment. Je pense que nous essayons de faire comprendre que c’est une bonne façon de travailler et qu’elle n’est pas forcément complète. Mais si vous prenez cela au sérieux, vous devriez peut-être commencer à y réfléchir, surtout dans les cas où le gouvernement pourrait faire appel à vos services.
Faun : Absolument, merci. Et une dernière question, à propos de votre bureau, je ne peux pas m’empêcher de remarquer que vous êtes assis côte à côte — j’ai l’impression de ne pas avoir observé cela depuis très longtemps, avec beaucoup de gens en Amérique du Nord qui travaillent à domicile! Nous avons constaté assez rapidement que de nombreuses nouvelles internationales sur la Nouvelle-Zélande étaient au sujet de la COVID-19. Alors, avez-vous remarqué un impact sur votre travail, ou le virus ne figurait pas dans vos préoccupations?
Dale : Absolument. Nous avons travaillé sur la charte en collaboration avec plusieurs autres documents sur l’éthique des données. Quand la COVID a fait son apparition ici, l’accent a donc été mis sur les données et la nécessité de prendre des décisions fondées sur les données en termes d’impact et de modélisation. Comme agence et comme gouvernement, nous sommes tous en faveur de cet effort parce que c’était évidemment ce que nous devons faire pour assurer la sécurité des gens. De notre point de vue, en réfléchissant à ces questions, nous savons qu’il est encore plus important que jamais d’intégrer l’éthique des données dans ce domaine, car cela nous a montré que nous avons besoin de plus de données. On a besoin de meilleures données pour pouvoir modéliser et faire des prévisions, et surtout pour des populations spécifiques qui sont assez vulnérables, comme les personnes Māori et Pasifika en Nouvelle-Zélande, ou les personnes handicapées.
Si nous allons impliquer davantage de données dans ce secteur, il faudra notamment s’assurer que le public fait confiance au gouvernement en matière de données et qu’il prend des décisions éclairées. À mon avis, la pandémie est un magnifique exemple de ce qui compte vraiment. Jamais auparavant il n’y a eu de moment plus important pour intégrer l’éthique dans notre travail.
Faun : Merci beaucoup. En conclusion, voulez-vous ajouter quelque chose que je ne vous ai pas demandé?
Dale : Pour nous, l’éthique et la transparence des algorithmes ont une portée mondiale, sans frontières, et ont un impact sur le secteur public comme sur le secteur privé. Il est clair que nous pensons qu’il n’y aura que de la croissance dans le monde des données. Pas besoin d’être un génie pour voir que c’est là où le monde se dirige. Et donc, des questions complexes comme l’éthique et les types de choses que la charte des algorithmes a abordées sont la manière dont les gens se voient dans ce nouveau monde, et sur la façon dont les gens peuvent avoir confiance dans la manière dont les gouvernements traitent leurs données et mobilisent les données de manière significative pour les aider et les protéger et pour appuyer leurs objectifs. Ainsi, les pays seront obligés de mettre au point des outils qui fonctionneront pour eux. Notre charte répond à nos besoins. Mais nous sommes d’avis que ce ne sera pas nécessairement la même chose pour tous les pays.
À mon avis, l’autre chose, l’autre grande leçon que nous en tirons, c’est que nous devons itérer et être prêts à faire preuve de souplesse. Nous avons découvert tout au long de notre parcours de développement que l’on ne peut pas se contenter de s’asseoir et d’oublier ces choses. Ils doivent être vivants, et vous devez toujours rester en contact avec les gens. Arriver à une solution qui puisse bénéficier à tout le monde représente un travail difficile, mais c’est le travail difficile qui est nécessaire pour que nous puissions bénéficier de toute cette technologie que nous voulons utiliser, car sinon vous risquez que les gens arrêtent de vous donner les données ou se désengagent. Et je pense que ce n’est pas vraiment bénéfique pour les gens, en termes de société.
Jeanne : Je suis absolument d’accord avec tout ce que Dale a dit sur l’importance de l’éthique des données comme enjeu mondial. Très rapidement, je tiens à mentionner que la charte des algorithmes n’est pas la seule chose que nous faisons. Nous travaillons également avec des établissements d’enseignement supérieur [postsecondaire pour les Nord-Américains] ici en Nouvelle-Zélande pour développer un microcertificat lié à l’éthique des données. Nous nous penchons sur la manière dont nous préparons la main-d’œuvre néo-zélandaise à prendre des décisions de manière éthique, ce qui nous semble vraiment important. Le Responsable principal des données du gouvernement a également organisé un groupe consultatif sur l’éthique des données, un groupe d’experts indépendants qui peut examiner les nouvelles propositions d’utilisation novatrice des données émanant du gouvernement néo-zélandais, à l’instar de l’examen indépendant par les pairs qui figure dans la charte. Par conséquent, nous nous efforçons d’apporter un soutien pratique à l’éthique dans le cadre du gouvernement, ici en Nouvelle-Zélande. Nous sommes très heureux de pouvoir être mandatés et d’avoir l’espace nécessaire pour faire cela et aussi d’avoir des possibilités comme celle-ci pour en parler et créer des liens à travers le monde.
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Dale Elvy est le responsable de l’Équipe de la politique des systèmes à Statistics New Zealand (l’organisation statistique nationale du gouvernement néo-zélandais) et il dirige l’équipe qui soutient le rôle du Responsable principal des données du gouvernement. Son travail dans la fonction publique a porté sur l’interface entre les données et les politiques, et il a déjà travaillé pour le ministère de l’Éducation de Nouvelle-Zélande dans des rôles portant sur l’élaboration de politiques et les preuves, les données et les idées. Dale est titulaire d’un doctorat en sciences politiques de l’Université nationale australienne et une maîtrise en études stratégiques de l’Université Victoria de Wellington.
Jeanne McKnight est conseillère principale en matière de politiques au sein de l’Équipe de la politique des systèmes à Statistics New Zealand, où son travail a été axé sur le renforcement de la confiance du public dans l’utilisation des données par le gouvernement. Elle se concentre sur d’autres cultures et d’autres contextes dans son travail, ayant déjà travaillé dans le domaine des relations internationales pour la ville de Londres et le conseil municipal de Wellington. Jeanne est titulaire d’un baccalauréat ès arts en langues modernes et en histoire de l’art de l’université Victoria de Wellington et détient des qualifications de troisième cycle en commerce et en mandarin.
Faun Rice est analyste principal de la recherche et des politiques au Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC). Faun est spécialiste des sciences sociales et elle a déjà travaillé dans le secteur de la recherche muséale sur l’expérience du public/des visiteurs et de la revitalisation des langues menacées. Auprès du CTIC, Faun fait valoir son intérêt continu dans le domaine de l’organisation sociale de l’être humain afin d’étudier les conséquences des nouvelles technologies sur le marché du travail, les cheminements de carrière et la vie urbaine et rurale au Canada. Faun est titulaire d’une maîtrise en anthropologie et d’un baccalauréat avec distinction en sociologie et en anthropologie de l’Université de l’Alberta.